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revue de presse

Albin

 

                                                Monsieur Albin mushe, l'Autofictif poursuit
 

Par Le Préfet maritime le vendredi 10 janvier 2014, 01:56 - Dernier reçu Premier servi - Lien permanent

  • Albin Bis

  • Eric Chevillard

  • Fruit de Blog

 


Dans la grande famille (1) des Plume, Songe, Teste, Dézert et autres mâles solitaires qui mâchonnent, rêvassent, arpionnent, s'emballent, délirent ou temporisent - qu'ils songent à La Rose de Thuringe, au temps qui passe ou à leur Fauteuil vert -, il est un nouvel arrivant nommé Albin Bis.
Publié au même catalogue que Lucien Suel ou Jean-Louis Bailly, il s'est inventé un personnage comme on s'invente une île imaginaire ou une république de fantaisie, afin de "prendre en marche le réel. En sortir aussitôt par la métaphore" et tracer un journal doux, pensif, nuageux, drôle souvent, où le détachement alterne avec l'observation du monde, au lieu-dit Le Glémand, par exemple, où passent les autorails comme les bus sur la place Saint-Sulpice.
Le personnage d'Albin Bis est millénaire, et il paraît qu'il est mort. Il n'en est pas tout à fait convaincu lui-même, notamment parce qu'il est capable de faire musher et de tirer "sur la bride. Riquita, son dernier escargot d'attelage, est encore bien impétueux"...

On le sait, l'écriture d'un blog pousse à l'introspection ou au fantasque débridé. Tout l'un ou tout l'autre. Pensées choisies versus épopées dingues. L'Autofictif d'Eric Chevillard doit bien en dire quelque chose quelque part, lui qui dans son sixième volume de journal à paraître donne toujours des signes de vie cérébrale très encourageants. il faut dire que (l'exercice du billet de blog quotidien fatigue vite les moins alerte...
« En fait, dit l'Autofictif chevillardien, c’est assez simple, il y a les écrivains qui se complaisent dans le réel, qui fourrent leurs phrases dedans, qui en rajoutent une couche ; et les écrivains qui prennent le réel dans les rets tranchants de leurs phrases afin de le retailler à leur guise.
« Les premiers sont inutiles, possiblement nocifs (cette dose de réel encore pourrait être celle de trop) et ils ont la préférence des critiques de la presse (les journalistes aiment le réel tel qu’il est comme le boutiquier les rossignols de son fonds de commerce) et de la majorité des lecteurs qui souvent ne conçoivent que ce qu’ils perçoivent… mais les seconds ourdissent dans leur coin une terrible vengeance. »


Albin Bis Albin Saison 1, cent épisodes. - Mugron, Éditions Louise Bottu, 124 p., 14 €

Eric Chevillard L'Autofictif en vie sous les décombres. Journal 2012-2013. - Talence, L'Arbre vengeur, 240 p., 15 €

(1) Il ne peut s'agir de fraternité, et surtout pas élective.

Albin sur Babelio
Laurence Biava a lu Albin pour La Cause littéraire 12/11/2012

Les Editions Louise Bottu ont fait paraître en juillet 2013 la 1ère Saison d’Albin d’Albin Bis, autrement dit un recueil de courts billets (parfois très courts !) tirés d’un blog écrit de 2007 à 2012.

Albin Bis a écrit un billet par jour. Chaque petite entête de chapitre annonce l’histoire d’un billet quotidien avec trois fois rien. Et c’est bien. Des personnages – sont-ils vraiment des personnages ? –, ou plutôt de simples figurants vont et viennent, jouxtent les événements, les choses, et, celles-ci, à peine tirées du quotidien (ou inventées ?), comme les circonstances qui les ont fait naître, évoquent les moments de la vie, relatent les détails les plus élémentaires de l’existence. L’auteur emploie beaucoup d’infinitifs, d’impératifs : peu de ponctuation, ou au contraire, des paragraphes entiers de détails énumérés, quelques virgules ou pas du tout, des phrases d’un mot, souvent des verbes, des paragraphes quelquefois déstructurés, des italiques, des définitions, des mots posés simplement comme dans une conversation courante. Le temps présent est (presque) partout, Albin Bis nous parle de l’instant présent, immédiat. De ces instantanés qui se croquent, sans attendre, qu’il faut photographier de suite, afin de ne pas les perdre. Pleuvent les descriptifs chargés d’émotion. Subsistent toujours quelques secousses de l’esprit.

Ciel lourd. Vent. Embruns, pluie, grisaille. Vague et lame. Albin se lève, un instant émerge, renonce. S’allonge. Immobile et suivre le flux, le mouvement. Docile, rentrer dans le rang. Le programme, s’y conformer. Le bulletin, rien d’autre. Entraîner, rejeté, repris. Soumis.

Dans ces fragments naturalistes où l’aphorisme et la métaphore sont rois, on lit avec bonheur unautoportrait de l’auteur dans une boulangerie, on le voit chercher « le mot juste » avec une certaine Madame Marcel qui lui parle de confusion, on le voit s’interroger sur la paternité et les « bruits inhérents » que celle-ci convoque, on le sent craindre de manquer de souffle ou à dire vrai, de mentir comme il respire – les deux sont liés –, on le laisse parler de sa vie professionnelle et du lundi au chantier, on l’imagine décrypter les méandres de l’écriture, on le sait s’interroger sur l’avenir, on l’entend redouter, complexe, les choix, et tenter d’éradiquer sa peur de l’éphémère.

Alors, pourquoi. Pourquoi lui d’habitude partant pour la métamorphose n’était-il pas cafard dès la première alerte ou même enfant ? On l’aura vu, cramponné, père myope et sourd qui trouve les mots, des mots qui s’encastrent, montrent un père de famille myope et sourd qu’ils nomment Albin et figent autant qu’une locution. Passage, no man’s land, cap.

 

Dans un style alerte, mais décomposé à loisir, foutraque parfois, se trimballant entre le premier et le second degré, l’écrivain semble s’en être donné à cœur-joie. Le lecteur, lui, aime ces grilles de mots et maux croisés, pleins d’humour et d’autodérision à propos de la vie d’Albin, du temps qu’il passe à se regarder vivre dans toutes les situations qu’il traverse. On aime ses rêves de jeune garçon frustré, on tente d’y accéder par tous les moyens, on s’accroche aux lignes pour tenter de comprendre les états d’âme qui le traversent. A travers ses frasques, ses blagues, ses engouements ou ses rebuts, on perçoit pourtant un monde hostile amplifié par le sentiment de la séparation, de la rupture : l’écriture qui joue avec le temps est l’échappatoire qui permettra au narrateur de conquérir sa liberté.

 

 

Ce recueil est intéressant en ce qu’il témoigne du poids révélateur des représentations sociales subies par certains individus depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte : les mots et le retour sur soi d’Albin révèlent l’intense désir de s’embarquer dans un voyage intérieur, en faisant preuve d’esprit critique et d’observation pour cesser de se sentir mis au ban. D’où ces incessants nombreux points de vue sur à peu près tout, qui composent ce tableau hyperréaliste infiniment iconoclaste et baroque.

Une jolie réussite.

 

Laurence Biava (La Cause littéraire)

 

C’est Albin qui se livre en papier (9/10/2013).

 

vendredi ou les pieds dans le plat

 

Comme une fleur, zou, de l’arbre à l’escargot, du cafard à l’étoile, de l’état liquide à l’état gazeux, de la graine à l’âne et de l’âne au coq les Albin se succèdent et ne ressemblent à rien, pas un pour rappeler l’autre, celui-ci est plutôt engourdi.

Vendredi ? Samedi ? Ne sait plus trop quel jour il est. Par la porte entrouverte entend la voix, dans la cuisine.

… j’enfile mon tablier, je mets mes chaussons, je fais bouillir l'eau…

… demain j’emmène le petit au jardin botanique…

… le lundi j’attaque le jardin et mardi je vide les placards du haut…

 

Quand elle a circonscrit l’immédiat, Madame Marcel prend de l’avance, met tranquillement le futur dans sa poche en le conjuguant au présent, Albin lui envie sa virtuosité à faire corps.

Comment faites-vous pour vous projeter aussi facilement, Madame Marcel ?

Lui inapte au présent. Infichu de penser je ferai sans un spasme. Lui le passé le laisse désemparé.

Me projeter ? Je ne comprends pas. Que voulez-vous dire…

Albin se lève, tend craintivement le pied vers le couloir, revient sur ses pas. Trop lointain. Trop incertain. Retourne au bureau, prend son calepin, rapidement note, conjuguer au minimum/ dans le temps comme une goutte dans l’eau/ ou hors de l’eau, comment savoir.

 

Albin Bis, Albin, saison 1, cent épisodes, éditions Louise Bottu, 2013, p.117-118.

 

Vous vous rappelez ? C’était un blog, Albin journalier, que je ne suivais peut-être pas tout à fait journalièrement mais presque, et qui aujourd’hui donc est aussi un livre et ça me fait plaisir, parce que je me disais Ça quand même, ça ferait bien un livre (c’est écrit avec presque rien, trois figures qui sont à peine des personnages, un seul temps et guère plus de lieux et soudain c’est comme ce gars qui sur le coin d’une nappe en papier en trois coups de crayon vous fait dire Mais c’est moi !). Ça ferait bien un livre donc me disais-je et voilà que les éditions Louise Bottu me donnent raison, merci. Bien sûr comme je ne connaissais pas cette maison discrètement pingetienne, je vais voir où notre Albin a trouvé refuge et voici que je l’y vois attablé avec Jean-Louis Bailly, Antoine Bréa et Lucien Suel. La belle compagnie !

 

 

 Philippe Annocque

2 octobre 2013 : Louise Bottu a partagé le statut FB de Eric Pessan.
 

 

"Ce qui le captive ? Le mouvement, quoi d'autre. L'interminable chute en vrille régulière. Ah, se rêver machine... Albin rejoint l'artiste. Cette chose sans support ni racine, sans substance, sans attache, plus tellement végétale et pas inorganique, inclassable, quasiment rien, ce truc hybride qui vole, ce machin vibrionnnant ou la perfection même force l'humilité d'Albin qui n'a jamais tourné aussi rond si longtemps, dans tous les domaines supérieure au vivant la mécanique par sa présence seule en souligne les ratés, on comprend mieux dès lors pourquoi Albin reste accoudé bouche bée à la fenêtre. Admiratif. Un peu jaloux."

 

  •  

    Eric Pessan

  • Albin, saison 1, cent épisodes (éditions Louise Bottu) d'Albin Bis.
    2 octobre, 07:56 ·
     

  • Eric Pessan

  • Le texte ci-dessus correspond à l'entrée "pesanteur". Albin est une sorte de lointain cousin de Plume, de Crabe ou de Monsieur Songe. Un vieil homme, âgé de mille ans, qui porte un regard de biais sur le monde.

" Sur son fauteuil se balancer au gré de ses inspirations, admirations. Assimiler, citer, rendre hommage. S'exercer à cligner de l'œil. Nommer. Que la forme soit. Puis vient l'élagage. L'épure. Avec la dernière feuille, dernière aiguille, dernière écaille, tombent l'adjectif, l'adverbe et l'œil, inutiles à l'arbre accompli.

En pin, qui de tous les arbres est celui qui fait le plus de bois mort, en mimosa qui parle à haute et intelligible voix. Sec à point, sans excès ni écorce, ce qu'il faut de noueux sculptural pour le jardin zen. En pin, en mimosa ou en bonsaï, Albin n'est pas si grand. "

 

Dans la famille des écrivains, je voudrai l'écureuil !

Bonne pioche, c'est l'Albin qui saute dans vos mains !

 

Albin, l'écrivain anonyme fait sa rentrée champêtre, il gambade, saute, virevolte, s'amuse, joue avec une herbe fraîche, prend le soleil et le Grevisse, grignote un mot rare, il a bien bel appétit l'animal !

 

Il se murmure qu'Albin est la réincarnation de Laurence Sterne !

D'un murmure l'autre, l'Albin ne saurait tromper Tristram et inversement !

" Écrire son roman comme on taille sa glycine, allier forme et fond, esthétique et vigueur.

Prudence à vouloir tutoyer les sommets. Trop tard Albin le cul par terre. "

 

Mais personne ne le connaît ?

Justement, l'Albin est tellement présent qu'on l'oublie, ou alors tellement visible qu'il en est lisible, ce qui devrait amuser les convives des prix littéraires.

Vous reprendrez bien un peu d'Albin, croyez-moi, il ne pèse ni sur les neurones ni sur l'estomac, Albin le plus digeste des écrivains !

Mais il ne faut pas non plus en abuser, à trop le lire l'Albin s'use et amuse !

 

Mais dites-moi votre Albin, il m'a lu ?

Et bien lu cher Monsieur Ponge !

C'est même une variété rare de pierre ponce !

 

" Rimmel et fond de teint avaient ruisselé sur la joue, dégoutté le long du coup, vint le tour des graisses, chairs, cartilage, le visage entier allait y passer, en voyant la vitesse à laquelle tout se liquéfiait, elle qui se décomposait, flagada sur sa chaise, il se disait elle va finir en flaque, quand une voix venue du bureau, Madame Marcel !

A ces mots elle se requinque, sur son siège se reconstitue, reprend l'apparence de cette employée qui accueillait Albin, à l'instant. "

 

Dans la famille des écrivains, je voudrai l'écureuil !

C'est trop tard, il est passé par ici, mais il ne repassera pas par là, l'Albin, il glisse comme une truite, courez, vous le verrez peut-être passer à la prochaine page.

 

 

 

Philippe Chauché

Libr-critique – la littérature dans toutes ses formes –   a reçu Albin le dimanche 15 septembre 2013
 
 
 
Albin bis, Albin, saison 1, cent épisodes, éditions Louise Bottu, été 2013, 126 pages,

14 €,

ISBN : 979-10-92723-01-14.

 

 

 

À 1000 ans, il est temps d’entrevoir une carrière littéraire : Albin "renoue avec un genre littéraire négligé, notices, posologies, modes d’emploi" (p. 103), rêve d’un acte parfait, s’adonne à ses expériences de déconstruction… Sans s’en faire une montagne / se faire Montaigne, le malparleur adopte un train d’escargot pour ses divagations : "sans souci de sens ou de cohérence", il mène à bien son flux journalier (Albin journalier était précisément le nom du blog tenu entre 2007 et 2012), avec circonvolutions et accumulations fantaisistes. Drôle d’animal, tout de même : "Sa langue maternelle, ça fait belle lurette qu’Albin l’a oubliée. Pourtant il sait confusément trois choses d’elle, son obscure clarté, qu’elle vient des étoiles et qu’elle éclate quand on veut la saisir"…

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